L’obésité est aujourd’hui l’une des maladies nutritionnelles les plus fréquentes chez les chiens et chats. En tant que vétérinaire, je rencontre chaque semaine des animaux âgés avec des problèmes de mobilité, de douleurs articulaires, et une fonte musculaire marquée. Dans la majorité des cas, la première mesure thérapeutique efficace est la plus simple… mais aussi la plus négligée : la perte de poids.
Un poids optimal prolonge la vie : l’étude chez les Labradors
Une étude emblématique menée par Kealy et al. (2002) a démontré que des Labradors nourris de façon à maintenir un score corporel de 4/9 vivaient près de deux ans de plus que ceux en léger surpoids (6/9). Cette étude de référence souligne que la restriction calorique modérée pendant toute la vie, sans carences, améliore la longévité et retarde l’apparition des maladies liées à l’âge, comme l’arthrose, les troubles cardiaques ou certains cancers.
Score corporel : viser 4/9, voire 5/9 chez les chiens âgés
Le Body Condition Score (BCS) (ou Indice de Condition Corporelle en français) est un outil de référence pour évaluer l’état corporel, c’est-à-dire le niveau de graisse corporelle. Un chien idéal (BCS 4/9), en parfait état corporel a des côtes facilement palpables, une taille marquée et une sangle abdominale bien visible. Chez les chiens âgés, un score de 5/9 peut être acceptable si la masse musculaire est bien préservée.
La masse musculaire peut aussi être évaluée séparément sur une échelle de 1 à 3, où 3 correspond à une masse musculaire normale, 2 à une fonte modérée, et 1 à une fonte sévère. Cette double évaluation permet d’affiner le bilan corporel, notamment chez les chiens âgés ou malades. Elle est essentielle pour distinguer, par exemple, un chien naturellement mince mais bien musclé, d’un chien en surpoids souffrant de cachexie ou de sarcopénie, c’est-à-dire d’une perte pathologique de masse musculaire malgré un excès de masse grasse.
Attention aux carences pendant un régime !
La perte de poids ne doit jamais se faire en réduisant uniquement la quantité de nourriture. Cela peut entraîner :
- Des carences en protéines (et donc une aggravation de la fonte musculaire) et en acides gras essentiels (notamment oméga-3)
- Un déficit en vitamines et minéraux essentiels
- Une baisse d’énergie et de motivation chez l’animal
Il est essentiel d’établir un plan nutritionnel adapté, équilibré, parfois enrichi en protéines de qualité supérieure, micronutriments, ou incluant des stratégies comme le jeûne intermittent, si cela est pertinent pour l’animal. Ces approches doivent être individualisées et encadrées pour préserver la masse maigre tout en réduisant la masse grasse.
Pour toute perte de poids importante, une consultation vétérinaire et un suivi nutritionnel professionnel sont fortement conseillés, afin d’assurer un régime sûr, efficace et durable.
Chez le chat, il est encore plus crucial d’agir avec prudence : cet animal ne tolère pas le jeûne prolongé, et ne doit jamais rester 24 heures sans manger, sous peine de développer une lipidose hépatique potentiellement mortelle. Tout changement d’alimentation ou programme de perte de poids doit donc être réalisé progressivement et avec encadrement vétérinaire.
Le rôle de l’exercice physique
L’exercice est une composante indispensable. Il doit être :
- Adapté à l’âge, aux capacités articulaires et aux diagnostics en cours
- Quotidien, idéalement réparti en plusieurs petites balades par jour. Il est important pour le chien de se tenir debout, bouger régulièrement et ne pas rester allongé toute la journée sur le canapé.
- Progressif, pour éviter les blessures. Il est important de noter que même si le chien perd du poids, il ne sera pas capable de faire tout de suite de longues marches de plusieurs kilomètres s’il n’en a pas ou plus l’habitude. Une reprise trop brutale de l’activité physique peut entraîner une dégradation de la situation au lieu d’une amélioration.
Même chez les chiens âgés ou arthrosiques, une activité douce mais régulière améliore la mobilité, stimule la masse musculaire et contribue à la perte de poids.
Trois approches complémentaires que j’utilise au quotidien pour accompagner la perte de poids et soulager les douleurs articulaires
J’obtiens d’excellents résultats en combinant une perte de poids progressive à :
- Acupuncture vétérinaire, pour soulager la douleur, favoriser le mouvement, mais aussi soutenir les fonctions métaboliques impliquées dans la gestion du poids, notamment en cas d’obésité où des déséquilibres énergétiques et hormonaux peuvent contribuer à la prise de poids ou limiter la perte pondérale
- Formules de plantes chinoises traditionnelles, selon le diagnostic individuel (bian zheng en Médecine Traditionnelle Chinoise, qui consiste à identifier le déséquilibre énergétique spécifique de chaque animal)
- Oméga-3 de type DHA/EPA, bien documentés pour leurs effets anti-inflammatoires sur les articulations
Mais attention : les régimes faits maison ou crus peuvent contenir un déséquilibre entre oméga-6 et oméga-3, avec un excès relatif d’oméga-6 et un apport insuffisant d’oméga-3, ou à l’inverse selon les cas et les erreurs de formulation, déséquilibrant le ratio et exacerbant l’inflammation. De plus, la vitamine E, antioxydant essentiel, est souvent déficitaire, ce qui limite l’effet bénéfique des oméga-3.
Liens entre obésité et autres maladies
L’excès de poids est aussi un facteur de risque pour :
- Le diabète
- Certains cancers
- Les affections urinaires
- L’aggravation des douleurs chroniques
- Les ruptures des ligaments croisés (chez les chiens stérilisés notamment)
- D’autres troubles métaboliques et inflammatoires encore à l’étude, mais de plus en plus associés à l’obésité
Stérilisation, obésité et troubles musculo-squelettiques
La stérilisation et castration sont des facteurs favorisant la prise de poids, en particulier si elle est pratiquée avant la fin de la période de croissance. Elle est également associée à un risque accru de dysplasie, de rupture de ligaments croisés, et d’arthrose précoce, notamment chez certaines races sensibles.
Une évaluation individuelle est donc toujours préférable avant toute décision.
En conclusion
Maintenir un poids optimal est probablement la mesure la plus efficace et la plus durable pour préserver la mobilité, la santé articulaire et la longévité de votre chien ou chat. Cela ne s’improvise pas : un plan structuré, personnalisé, soutenu par une alimentation adaptée et, si besoin, des approches complémentaires (acupuncture, phytothérapie, nutraceutiques) donne d’excellents résultats.
J’ai accompagné de très nombreux patients en suivant une approche intégrative, où la gestion du poids a été déterminante. Certains chiens et chats ont perdu jusqu’à 50 % de leur poids corporel, dans le cadre d’un plan strictement encadré. Le résultat ? Des animaux transformés, dont les gardiens redécouvrent parfois l’énergie d’un chiot… ou presque ! La qualité de vie est considérablement améliorée, et souvent, la longévité également.
Références principales :
- Kealy RD, Lawler DF, et al. (2002). Effects of diet restriction on life span and age-related changes in dogs. JAVMA, 220(9):1315–1320.
- WSAVA Global Nutrition Guidelines
- Laflamme D. (1997). Development and validation of a body condition score system for dogs. Canine Practice, 22(4):10–15.