Antibiotiques et diarrhée : repenser nos réflexes

La diarrhée chez le chien : comprendre et traiter de manière raisonnée

La diarrhée est un motif très fréquent de consultation vétérinaire, notamment lorsqu’elle survient de façon brutale. Elle se définit comme l’émission de plusieurs selles molles ou liquides en 24 heures, parfois accompagnées de sang, de vomissements, de fièvre ou de douleurs abdominales. On distingue différents types selon la durée :

  • Diarrhée aiguë : moins de 10 à 14 jours (souvent quelques jours seulement).
  • Diarrhée persistante : entre 14 et 30 jours.
  • Diarrhée chronique : au-delà de 30 jours.

Chez le chien, la diarrhée aiguë est de loin la plus fréquente. La majorité des épisodes sont bénins et se résolvent spontanément en 2 à 3 jours. Chez le chat domestique, en revanche, la diarrhée aiguë est plus rarement observée, peut-être parce que les chats ayant accès à l’extérieur font leurs besoins dehors et échappent donc à l’observation de leurs gardiens, ou parce que les chats vivant en intérieur sont moins exposés aux parasites, aux changements alimentaires ou à d’autres facteurs déclenchants.

Causes fréquentes

Les déclencheurs de diarrhée aiguë sont variés :

  • stress ou changement d’environnement,
  • excès alimentaires ou ingestion d’aliments inhabituels (“dietary indiscretion”),
  • parasitisme intestinal,
  • changements rapides de régime,
  • traitements médicamenteux,
  • infections virales ou bactériennes.

Dans la plupart des cas, le chien reste en bon état général et récupère sans intervention lourde.

Diarrhée hémorragique aiguë

Il est important de distinguer une simple diarrhée aiguë de la diarrhée hémorragique aiguë.
Dans cette dernière, les pertes liquidiennes sont massives et le risque de déshydratation sévère, voire de choc, est réel. Certains chiens peuvent être soignés en ambulatoire avec un soutien adapté, mais d’autres nécessitent une hospitalisation et une réhydratation agressive par perfusion.

Attention : la présence de sang frais dans les selles n’est pas en soi un signe de diarrhée hémorragique aiguë ni une indication automatique d’antibiothérapie. Elle traduit généralement une inflammation du côlon et, selon la sévérité et les autres signes cliniques associés, la prise en charge pourra varier. La diarrhée hémorragique aiguë correspond à une situation bien plus grave avec pertes massives de liquides et risque de déshydratation secondaire, surtout, voire de choc.

Antibiotiques : vraiment nécessaires ?

La présence de Clostridium perfringens dans les selles, fréquemment observée lors de diarrhée aiguë, reflète le plus souvent un déséquilibre secondaire du microbiome. Ce n’est pas, en soi, une justification pour instaurer une antibiothérapie, car cette bactérie peut aussi être retrouvée chez des chiens en bonne santé sans signes cliniques. En pratique, son augmentation traduit généralement une dysbiose et ne constitue donc pas une raison de débuter un traitement antibiotique.

L’usage des antibiotiques reste courant dans la prise en charge des diarrhées, que ce soit pour diarrhée aiguë ou diarrhée hémorragique aiguë. Des études ont montré que 45 à 70 % des chiens reçoivent un antibiotique dans ce contexte, souvent du métronidazole.

Or, plusieurs points doivent faire réfléchir :

  • La grande majorité des diarrhées aiguës sont auto-limitantes.
  • Les antibiotiques perturbent fortement le microbiome intestinal, parfois pour plusieurs semaines ou mois.
  • Ils favorisent la sélection de bactéries résistantes.
  • Le métronidazole, en particulier, peut provoquer des effets secondaires neurologiques (ataxie, tremblements, nystagmus) et présente un potentiel de génotoxicité mis en évidence in vitro et in vivo.

Les recommandations récentes sont claires : ne pas utiliser d’antibiotiques en première intention pour la diarrhée aiguë non compliquée, et réserver leur emploi à des cas très particuliers :

  • chien immunodéprimé avec diarrhée sanglante, ou qui ne répond pas au traitement empirique,
  • absence d’amélioration malgré une prise en charge de soutien,
  • signes de sepsis (hypoglycémie, leucopénie, état de choc).

À noter que même si le métronidazole peut être efficace contre Giardia, le fenbendazole devrait rester le traitement de première intention, associé à l’usage de Saccharomyces boulardii et à des modifications diététiques comme la réduction des glucides complexes dans l’alimentation.

La présence de Clostridium perfringens dans les selles, fréquemment observée lors de diarrhée aiguë, reflète le plus souvent un déséquilibre secondaire du microbiome. Ce n’est pas, en soi, une justification pour instaurer une antibiothérapie, car cette bactérie peut aussi être retrouvée chez des chiens en bonne santé sans signes cliniques. En pratique, son augmentation traduit généralement une dysbiose et ne constitue donc pas une raison de débuter un traitement antibiotique.

Approches de soutien recommandées

La prise en charge doit avant tout viser à soutenir l’animal :

  • Examen clinique préalable : il est indispensable d’évaluer la situation avec un vétérinaire. Je conseille à tout gardien d’animal d’avoir un thermomètre dédié à la maison afin de surveiller la température en cas de symptômes, notamment diarrhée ou maladie. En cas de température rectale dépassant 39,5 °C, contactez directement votre vétérinaire ou un centre d’urgence.
  • Réhydratation en cas de déshydratation : c’est la priorité, par voie orale avec de l’eau fraîche, des bouillons légèrement salés pour encourager le chien à boire, ou encore des solutions réhydratantes aromatisées (poulet, etc.). Selon l’état, la réhydratation peut aussi être réalisée par voie intraveineuse chez le vétérinaire, ou par voie sous-cutanée dans certaines situations. Un contrôle vétérinaire reste souvent nécessaire pour évaluer la situation clinique et l’état d’hydratation ou de déshydratation.
  • Régime alimentaire adapté :
    • alimentation hautement digestible et pauvre en fibres pour la plupart des chiens,
    • ajout de fibres solubles (psyllium) en cas de colite aiguë,
    • diète simple maison (dinde bouillie (ou éventuellement poulet) avec patates douces, ou du riz blanc pour une période très courte) en alternative temporaire.
  • Probiotiques : bien que leur usage soit populaire, les bénéfices ne sont pas systématiquement démontrés. L’utilisation d’une seule souche comme Enterococcus faecium n’est pas conseillée, car cela représente une action très limitée par rapport à la complexité du microbiome. Chez le chien, l’emploi de levures comme Saccharomyces boulardii est généralement mieux recommandé.
  • Vermifugation : un traitement empirique peut être envisagé, mais il faut rester attentif au spectre des antiparasitaires utilisés, qui n’inclut pas toujours des protozoaires comme Giardia ni certains oocystes, en particulier chez les jeunes animaux. C’est pourquoi je recommande de privilégier les tests de laboratoire plutôt que les examens réalisés en clinique, car les publications montrent une sensibilité nettement supérieure. Les techniques de flottation et de centrifugation spécialisées réduisent le risque de faux négatifs, et l’ajout de tests antigéniques comme le FecalDx (Idexx) permet de détecter de nombreuses infections passées inaperçues lors de simples flottations.
  • Transplantation de microbiote fécal : il s’agit d’une thérapie novatrice consistant à réintroduire un microbiome intestinal sain à partir d’un donneur. Bien que cette approche soit encore en cours d’évaluation, les données scientifiques s’accumulent. Elle a déjà démontré une efficacité notable contre les infections à Clostridium difficile chez l’humain et son bénéfice est désormais bien documenté dans la prise en charge du parvovirus canin. D’autres indications, telles que les gastro-entéropathies chroniques ou l’atopie, sont également très prometteuses et laissent entrevoir de nouvelles perspectives thérapeutiques positives.
  • Autres options : argiles adsorbantes (comme la smectite) ou charbon actif pour piéger les toxines, ainsi que certains compléments riches en fibres fermentescibles.
  • Anti-motilité : leur usage doit rester prudent et réservé aux cas de diarrhée de type colite, souvent caractérisés par un besoin urgent et répété de sortir pour déféquer. Dans ces situations, la perte d’eau peut être importante avec un risque réel de déshydratation, et l’animal subit un inconfort marqué avec perturbation du quotidien, ce qui représente également une contrainte importante pour le gardien.

Vision de la Médecine Traditionnelle Chinoise

En médecine traditionnelle chinoise vétérinaire, la diarrhée est interprétée comme une perturbation de l’équilibre interne liée à des facteurs pathogènes : Humidité, Froid, Chaleur, alimentation inadaptée ou ingestion de toxines.

La diarrhée représente alors une tentative d’élimination. Si, après une séance d’acupuncture, le chien élimine davantage, c’est généralement un signe positif : cela signifie que le corps a été aidé à expulser ce qu’il cherchait à éliminer. De plus, certaines études suggèrent que l’acupuncture peut aider à réduire la durée des épisodes de diarrhée, en particulier lorsque de la cobalamine (vitamine B12) est injectée au point d’acupuncture GV-1 (Governing Vessel-1).

Dans ce contexte, l’usage systématique d’antispasmodiques ou d’anti-motilité, qui bloquent ce processus, peut être considéré comme contre-productif. Des techniques comme l’acupuncture, la phytothérapie et une alimentation adaptée à la constitution énergétique du chien permettent au contraire de soutenir le processus naturel de guérison, tout en rétablissant l’équilibre du système digestif.

Conclusion

La diarrhée aiguë chez le chien est un problème fréquent mais le plus souvent bénin. La priorité reste la réhydratation et le soutien digestif, plutôt que le recours systématique aux antibiotiques. Ces derniers ne doivent être réservés qu’à des cas sévères, avec hospitalisation et signes cliniques graves. Les approches intégratives — alimentation, probiotiques ciblés (comme Saccharomyces boulardii) ou transplantation de microbiote fécal (FMT), recherche active de parasites, phytothérapie, acupuncture — offrent des solutions efficaces et respectueuses du microbiome. Avant tout, il est essentiel d’éviter les prescriptions systématiques d’antibiotiques : dans la plupart des cas de diarrhée aiguë, ils ne sont pas nécessaires. N’hésitez pas à refuser une injection ou des comprimés si votre chien n’est pas en danger de translocation bactérienne. Avoir des gélules de transplantation de microbiote fécal (FMT) à la maison peut également être une ressource précieuse : administrées 3 à 7 jours en cas de dysbiose, elles aident à rééquilibrer rapidement la flore intestinale. Enfin, il est important de garder un œil attentif sur la situation clinique et en particulier de surveiller régulièrement la température rectale, qui constitue un indicateur clé de l’évolution.

Références

Ellis et al. (2023). The use of metronidazole in acute diarrhea in dogs: a narrative review. Topics in Companion Animal Medicine; Vol 56–57, 2023

Jessen et al. (2024) European Network for Optimization of Veterinary Antimicrobial Therapy (ENOVAT) guidelines for antimicrobial use in canine acute diarrhoea. Vet J. Vol 307, Oct 2024

Krenicki et al. Efficacy of GV-1 aqua-acupuncture for acute diarrhea in dogs: A controlled, randomized clinical study. Am J Trad Chin Vet Med 2023; 18(2):3-8

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