Introduction
Le consentement éclairé est une notion fondamentale, mais parfois mal comprise, en médecine vétérinaire. Trop souvent réduit à une simple signature ou à une approbation rapide en consultation, il s’agit en réalité d’un processus de communication, de collaboration et de respect mutuel entre le vétérinaire, le gardien et le patient animal.
Mais pour que ce processus fonctionne, encore faut-il bien choisir son vétérinaire. Il existe différents types de praticiens, chacun avec son rôle essentiel :
- Les généralistes, en première ligne pour le suivi global,
- Les urgentistes, indispensables en situation critique,
- Les spécialistes : chirurgie, ophtalmologie, oncologie, médecine interne, etc., diplômés de collèges européens ou américains,
- Les vétérinaires dits holistiques : souvent formés initialement en médecine conventionnelle, puis spécialisés dans d’autres approches comme l’acupuncture, la médecine traditionnelle chinoise vétérinaire (MVTC), la phytothérapie, la chiropraxie ou l’ostéopathie.
À vous de décider quel type de prise en charge vous souhaitez, et à quel moment de la vie de votre animal : en préventif, en chronique, en soutien global ou en complément d’une démarche conventionnelle. Pensez aussi à maintenir une relation avec votre vétérinaire, même en dehors des urgences. Une consultation de suivi tous les 12 mois au minimum permet de conserver ce lien, comme chez les médecines humaines, et de faciliter une prise en charge rapide en cas de situation urgente ou préoccupante.
Tous ne pratiquent pas la même médecine. Certains sont restés dans une approche atomiste et allopathique, d’autres adoptent une vision plus systémique, holistique ou vitaliste, qui considère l’animal dans sa globalité (corps, esprit, environnement).
Nous sommes tous limités par nos formations, nos expériences cliniques, et même nos préférences. Aucun vétérinaire n’est omniscient — la médecine évolue sans cesse et chaque praticien a ses domaines de compétence et d’intérêt. Par exemple, je ne fais pas de chirurgie osseuse, ni d’extractions dentaires, par choix personnel et par absence d’équipement et compétence. En revanche, j’adore l’acupuncture et la chiropraxie.
C’est à nous, vétérinaires, de vous exprimer clairement nos limites, et à vous, gardiens, de les entendre — même quand le stress émotionnel rend l’écoute difficile. Il est aussi de notre responsabilité de vous proposer un second avis ou de vous référer à un spécialiste, et c’est votre droit de le demander à tout moment.
Qu’est-ce que le consentement éclairé ?
Dans les termes les plus simples, le consentement éclairé désigne la décision volontaire d’un gardien d’accepter un acte médical, après avoir reçu toutes les informations nécessaires pour comprendre :
- la nature du soin ou du traitement proposé,
- les bénéfices attendus,
- les risques et effets secondaires possibles,
- les alternatives disponibles (y compris l’option de ne rien faire),
- les conséquences de chaque choix.
C’est un droit pour les gardiens et un devoir pour les vétérinaires.
Une obligation éthique et déontologique
Au Royaume-Uni — Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS)
Le Code de déontologie du RCVS stipule (section 11.2) :
« Le consentement éclairé, qui constitue une partie essentielle de tout contrat, ne peut être donné que par un client ayant eu la possibilité de considérer un éventail d’options thérapeutiques raisonnables (y compris l’euthanasie et l’option de surveiller l’animal sans examens ni traitement supplémentaires), accompagnées d’estimations des frais, et à qui la signification et les principaux risques ont été expliqués.
Dans tous les cas, sauf si cela devait entraîner un retard susceptible de nuire au bien-être de l’animal (c’est-à-dire en situation d’urgence), le consentement du client au traitement doit être obtenu. Pour les procédures non urgentes, la discussion sur le consentement devrait, dans la mesure du possible, avoir lieu avant le traitement.
Les éléments suivants doivent être abordés lors de la discussion avec le client afin de garantir un consentement éclairé :
- S’assurer, dans la mesure du possible, que le consentement peut être obtenu du client pour toute modification du plan de traitement (y compris sur le plan financier), et que la structure dispose de ses coordonnées à jour, notamment pour le joindre en cas d’urgence.
- La nature, l’objectif et les bénéfices de tout traitement ou procédure ;
- Les résultats probables du traitement ou de la procédure, avec une présentation claire des risques à la fois fréquents et graves, dans un langage compréhensible pour le client (ex. : expliquer les termes médicaux) ;
- Le vétérinaire doit éviter de faire des suppositions, par exemple sur les contraintes financières du client ou sa compréhension des effets secondaires, complications, ou du risque d’échec du traitement convenu ;
- Les estimations financières, et un accord sur les limites budgétaires éventuelles. Cela doit également être consigné dans le formulaire de consentement ou dans une estimation détaillée jointe ;
- Lorsque cela est pertinent, expliquer que le diagnostic est provisoire et pourrait nécessiter des examens complémentaires ;
- Vérifier si le client a des questions ou des préoccupations concernant le diagnostic, le traitement ou les coûts ;
- Informer le client (le cas échéant) qu’il existe d’autres traitements disponibles, éventuellement plus bénéfiques, que ceux proposés dans la structure.
- S’assurer, dans la mesure du possible, que le consentement peut être obtenu du client pour toute modification du plan de traitement (y compris sur le plan financier), et que la structure dispose de ses coordonnées à jour, notamment pour le joindre en cas d’urgence. »
En Suisse — Société des Vétérinaires Suisses (SVS / GST)
Bien que la législation suisse n’utilise pas toujours ce terme explicitement, les principes sont bien présents dans la loi sur les professions de santé animale et les recommandations de la SVS :
« Les clientes et les clients doivent avoir été informés dûment pour pouvoir se faire une idée de la portée de la mesure médicale envisagée et dès lors être à même de donner leur aval. Les vétérinaires sont tenus d’informer leur clientèle du type, de l’ampleur, des risques, des chances de réussite et des effets secondaires de la mesure en question. »
En France — Ordre National des Vétérinaires
L’article R242-48 alinéa II du Code de déontologie précise :
« Il formule ses conseils et ses recommandations, compte tenu de leurs conséquences, avec toute la clarté nécessaire et donne toutes les explications utiles sur le diagnostic, sur la prophylaxie ou la thérapeutique instituée et sur la prescription établie, afin de recueillir le consentement éclairé de ses clients.
Commentaire :
Le vétérinaire a un devoir d’information envers son client. L’information donnée doit être claire, délivrée dans un langage intelligible pour un non professionnel et exempte d’omission ou de mensonge. Les informations à caractère techniques seront explicitées autant que de besoin pour une parfaite compréhension du client.Le consentement éclairé du client aux actes à effectuer sur l’animal doit être recherché dans tous les cas. Le client a le droit de refuser ou d’accepter les préconisations du vétérinaire. Le fait d’intervenir sur un animal en l’absence du consentement du propriétaire ou du détenteur de l’animal est une faute qui peut engager sa responsabilité professionnelle civile et qui est également passible de sanction disciplinaire.
Il peut être conseillé au vétérinaire de recueillir auprès de ses clients un consentement écrit lorsque l’intervention du vétérinaire est importante. Cet acte ne décharge pas le vétérinaire de sa responsabilité mais peut attester que le client a bien été informé. »
Le consentement éclairé est donc indirectement reconnu, à travers les exigences de transparence, de loyauté et de clarté, mais aussi la possibilité de refuser un soin, dans le respect du bien-être animal.
L’aspect financier ne peut pas être dissocié du consentement éclairé. En tant que vétérinaires, nous devons présenter les options : prise en charge idéale (gold standard), solutions intermédiaires, ou ne rien faire dans certains cas. Ce n’est pas notre rôle de juger votre situation financière. Mais en tant que gardiens, vous êtes responsables de votre engagement. Avant d’adopter un animal, réfléchissez à vos capacités à assumer les coûts liés à la prévention, la maladie ou les accidents.
Pourquoi est-ce si important ?
Le consentement éclairé protège :
- L’animal, en évitant des actes médicaux inutiles ou inadaptés ;
- Le gardien, en lui permettant d’agir en conscience, sans pression ;
- Le vétérinaire, en garantissant une pratique éthique, transparente et respectueuse.
Il favorise une relation de confiance durable, et replace le soin au cœur d’une collaboration active entre toutes les parties.
Quand faut-il l’appliquer ?
Toujours. Mais il est essentiel dans les situations suivantes :
- Vaccinations (choix, rappels, alternatives, titrages)
- Stérilisation (techniques, alternatives, âge, bénéfices/risques)
- Traitements chroniques ou médicamenteux lourds (Librela, corticoïdes, chimiothérapie…)
- Prescription d’antiparasitaires (efficacité, toxicité, options naturelles…)
- Chirurgies, anesthésies ou interventions invasives
- Euthanasie
Conclusion : soigner, c’est aussi informer
Le consentement éclairé n’est pas une formalité.
C’est un acte de respect, de responsabilisation, et de soin en soi.
Comme vétérinaire, mon rôle est de vous transmettre l’information, de manière compréhensible, honnête et sans jugement. Oui, je suis “le médecin”, mais cela ne signifie pas que je décide à votre place. Mon devoir est de vous exposer les diagnostics possibles, les options thérapeutiques — y compris celle de ne rien faire — avec leurs bénéfices et leurs risques.
Comme gardien, votre rôle est de poser des questions, de réfléchir, et de choisir ce qui vous semble juste, selon votre animal, votre situation, vos valeurs.
C’est ainsi que l’on soigne vraiment, ensemble.
Quelques exemples concrets
Arthrose :
Votre vétérinaire vous propose Librela ? Demandez quelles sont les autres options :
- en médecine allopathique : anti-inflammatoires classiques, physiothérapie, imagerie pour diagnostiquer précisément l’origine de la douleur (instabilité articulaire, dysplasie, etc.), et possibilité d’être référé à un orthopédiste spécialisé pour un diagnostic ou une prise en charge plus approfondie,
- en médecine intégrative : acupuncture, ostéopathie, chiropraxie, phytothérapie.
Souvent, un deuxième avis vétérinaire ou un rendez-vous prolongé (au lieu de 10-15 minutes) permet d’approfondir les possibilités — souvent à condition de le demander à l’avance, afin que le temps nécessaire puisse être prévu.
Antiparasitaires (vers, puces, tiques) :
- À quelle fréquence ?
- Dans quel but ?
- Quels sont les risques liés aux molécules utilisées ?
- Quels pathogènes circulent réellement dans votre région ou sur votre lieu de vacances ?
Vaccinations :
- Quels sont les vaccins essentiels (core) ?
- Lesquels sont optionnels ?
- Quels sont les bénéfices et les risques de chaque injection ?
- Existe-t-il des alternatives comme les titrages d’anticorps ?
Effets indésirables :
Aucun médicament n’est totalement dépourvu de risque. C’est vrai aussi pour de nombreuses plantes, champignons et formulations naturelles.
L’acupuncture, à ma connaissance, est la seule pratique thérapeutique sans effets secondaires directs, si elle est pratiquée par une personne compétente. Mais même là, un risque très rare d’aiguille cassée existe, surtout chez le cheval lorsqu’elles sont posées dans de grands groupes musculaires. Un autre risque exceptionnel mais possible est celui d’une aiguille avalée — un incident qui passe souvent sans conséquence, compte tenu de la taille des aiguilles et du transit digestif. Mais dans de très rares cas, cela pourrait poser problème.
S’informer, poser des questions, prendre le temps de décider : c’est cela, le vrai soin.